Le temps d'une eclipse [PV:Toni]

le matin qui suivit la visite tardive de Toni fut un des matins les plus difficiles qu'Haruka ait connu dans son existence d'ombre. Il mit beaucoup de temps à s'arracher à la torpeur qui habitait son corps et lorsqu'il se rendit dans la salle de bain pour une toilette matinale, une vague de souvenirs lui sauta au visage.

La marque violacée sur sa mâchoire et l'entaille de sa lèvre inférieure lui rappelèrent l'altercation musclée qu'il avait eut avec Toni, et la baignoire encore pleine lui évoquèrent les confessions qu'il lui avait faite par la suite. Ce matin là il avait l'esprit comme en paix, étrangement léger. Ce fut la dernière fois, durant les trois semaines qui suivirent cette fameuse soirée.

Durant la première semaine, du matin au réveil à la tombé de la nuit, l'ombre se questionnait sur l'avenir dès que son temps libre le lui permettait. Il pesa les pour et les contres de la manière la plus rationnelle qui soit, comme il se l'était promis à lui même à la suite du départ de Toni.
Mais ces méditations ne semèrent que le doute dans son esprit, car quoique dise la raison d'Haruka qui justifiait qu'il ne lui faudrait plus revoir le relieur, son cœur, bien qu'amorphe, ne semblait pas de cet avis. Et il arrivait souvent au psychologue de se réveiller en pleine nuit comme pris d'angoisse, et habité de cette irrépressible envie d'aller frapper au domicile du relieur en pleine nuit. Juste pour entendre sa voix et voir son visage.

Arriva bientôt la troisième semaine, celle durant laquelle, consciemment où non il se plongea un peu trop dans son travail, quitte à s'oublier un peu, lui et ces interrogatoires qu'il s'infligeait.

Ces 21 jours qu'il s'était accordé à réfléchir l'avait beaucoup travaillé. Il ne se reconnaissait plus, n'arrivait plus à retrouver ce détachement qu'il avait auparavant avec ce qui l'entourait. Et toujours cette question en tête "Que faire?", à laquelle était venu s'ajouter un tas d'autres interrogations qui ne se dirigeaient que vers une seule et unique personne: Toni.

Ayant quelque peu pris peur de ce qu'il considérait comme une obsession, il avait réfréné toute envie d'approcher Toni avant d'être tout à fait sur que sa culpabilité ne reviendrait pas le hanter à chaque fois qu'il se réveillerai...dans les bras d'un autre que Souji, et ce, de manière suivie. Ces dernières semaines il n'était plus sorti à la nuit tombée, n'avait plus ressenti ce besoin de chaleur qui le poussait à aller en chercher auprès d'inconnus. Il n'en avait plus que pour Toni, et se demandait encore s'il devait interpréter tout cela...comme une évidence ?

La troisième semaine passa comme les précédente, à une rapidité folle. Et lorsque le week end arriva et que le corps de l'ombre eut besoin qu'on le nourrisse un temps soit peu il ne trouva qe des placards et un frigidaire vides. En constatant la chose samedi matin, l'ombre enfila machinalement un pull léger et un jean afin de se rendre, comme tout à chacun, au supermarché pas cher du centre commercial.

Son portefeuille dans sa poche arrière et les mains dans celles de devant, Haruka avançait, l'esprit dans le vague. Ses cheveux bruns qu'il n'avait pas pris le temps de discipliner au réveil et la trace encore légère du coup porté à sa mâchoire lui donnait une petite mine, à la lueur matinale.

La température était bonne dans les allée du cente commercial, et arrivé dans le magasin il se dirigea automatiquement vers le rayon des produits lyophilisé avant de faire un détour par la case caféine et barre énergétique. Ses habitudes tellement banales, tellement humaines lui paraissait désormais bien ridicule à effectuer, il avait tellement l'impression de jouer la comédie.

C'est alors qu'il sortait d'un rayon qu'il remarqua du coin de l'oeil un éclair doré qui attira son attention. L'ombre tourna la tête et reconnu aussitot la personne qui se tenait à seulement quelque mètres de lui. Sa silhouette, sa manière de se tenir, le profil de son visage et surtout ses longs cheveux blond qu'il aimait tant toucher.
Instinctivement il fit un pas dans sa direction, avant de se stopper. Toni ne l'avait apparemment pas encore remarqué, devait-il aller lui parler ? Était-ce le bon moment ? Avait-il pris la bonne décision?
Si jamais il n'avait pas encore assez réfléchit? Si il n'était pas encore prêt?

Les yeux rivés sur le beau relieur il avait commencé à reculé, et puis Toni tourna la tête et Haruka lui tourna le dos avant de laisser les produits qu'il avait dans les bras dans le cadis d'un autre client. L'ombre se dirigea d'un pas pressé vers la sortie du supermarché et, comme il avait l'habitude de faire : tenta de s'éclipser en espérant ne pas avoir été vu.

Après avoir franchit les portes automatisé, Haruka s'était laissé allé à accélérer encore le rythme de ses pas et se retrouva bientôt à trottiner comme si il venait de se rendre compte qu'il arriverait en retard à un rendez vous. Mais alors qu'il n'était pas arrivé à la moitié du parking il perçu des bruits de pas tout aussi précipités que les siens, et une voix puissante et familière résonna dans son dos.

"ATTENDS !"

Toni l'avait vu se hâter de sortir du supermarché, il l'avait reconnu alors que l'ombre tentait de le fuir. Haruka accéléra tout d'abord le pas puis ralenti subitement avant de se stopper complètement, les yeux rivés sur le bitume devant lui. Pourquoi est-ce qu'il le fuyait à toute jambes de cette manière? C'était d'un ridicule consommé. Il était adulte et ne devrait normalement plus à fuir ses responsabilités. Il avait des choses à dire à Toni. Il fallait qu'il les lui dise, c'était inévitable.

Il se retourna lentement vers le blond à la longue natte qui le rejoignait à présent. Légèrement essoufflé il regardait Toni, fixant sa prunelle bleue avec intensité. Il avait l'impression d'avoir été privé de son image si plaisante depuis très longtemps... trop longtemps. Ne cherchant pas tout de suite à se justifier de son comportement, il le regarda d'abord de haut en bas avant de déclarer simplement :

-Je ne m'attendais pas à te trouver ici.

L'espace d'une seconde il se mit à regretter de ne pas s'être un peu mieux préparé ce matin avant de partir. Il devait peut-être avoir l'air négligé avec ses cheveux emmêlés et son regard fatigué, mais il nota que celui de Toni l'était tout autant. Est-ce qu'il avait réfléchit aussi au point d'en perdre le sommeil ? Espérait-il encore une réponse ou l'avait-il oublié? Il se mit à pensée que l'air fatigué de Toni pouvait aussi résulter d'une nuit mouvementée, à faire la fête un vendredi soir, avec une autres personne que lui peut-être? Au bout de trois semaines de silence radio, c'était son droit le plus absolu...Mais l'ombre ne pu s'empêcher d'éprouver une colère sourde à cette simple idée. C'est d'un ton un peu froid qu'il repris en se passant une main dans les cheveux.

- J'ai...était surpris.

Haruka avait plutôt paniqué comme un adolescent en le voyant là, si près de
lui à la sortie de ce rayon. Même si son visage n'avait rien affiché, il avait bel et bien paniqué. Et d'aussi loin que
remonte ses souvenirs, ça n'était plus arrivé depuis bien longtemps.

"J'ai vu."

Toni s'était finalement arrêté à quelques mètres d'Haruka et le regardait de son unique œil visible. Son ton était aussi froid que celui qu'avait pris l'ombre pour s'adresser à lui. Le brun soutenait son regard sans ciller tandis que durant cet échange silencieux le soleil continuait sa petite ascension. Bientôt ses rayons vinrent illuminer les cheveux blonds de Toni, y créant de magnifiques reflets dorés. Haru trouvait le spectacle à son goût, si seulement le relieur n'était pas en train de lui jeter un regard lourd de reproche. Un regard qui en disait long apparemment sur le dégout que le psy lui inspirait. C'était dur. C'était blessant. Et pourtant Haruka gardait le silence avec la même expression impassible, la même indifférence sur le visage. Comment pourrait-il lui faire comprendre, alors que lui même avait eut du mal à se comprendre lui même.

"Excuse moi de t'avoir courut après."

L'ombre regarda Toni lui tourner le dos comme dans un mauvais rêve, et il se souvint avoir déjà visualisé ce genre de scène dans un de ces tout nouveau cauchemars. Ceux qui ne concernaient plus sa vie d'avant, mais celle qu'il était en train de se faire maintenant. Il ne réfléchit pas plus et emboita le pas à Toni avant de lui saisir la main d'un geste quasi désespéré et un peu brutal.

Tous les deux s'étaient à présent arrêté et Haruka fixait la grande main du blond, qu'il tenait doucement serrée dans la sienne. Comme si il voulait graver cette image dans sa mémoire. Ou peut-être simplement pour ne pas croiser un nouveau regard écœuré de la part de Toni ?

- Je veux te parler.

Au moment où il achevait sa phrase, un couple de retraité passa juste à coté d'eux, les bras chargés de sacs. Ils les regardèrent du coin de l'œil avant de chuchoter entre eux d'un air effaré. Haruka se fichait pas mal du regard des autres, il était au dessus de tout ça depuis longtemps... Pourtant récemment il avait rencontré une personne pour qui le regard comptait beaucoup. Il reserra-il un peu plus ses doigts autour de cette main chaude, comme pour s'assurer qu'elle ne lui échapperait pas, et insista au cas où Toni n'aurait rien voulu entendre, au cas où pour lui, il n'était plus aussi digne d'intérêt..qu'avant. Il ne le laisserait pas s'en aller comme ça sans un mot, pas maintenant, c'était trop tard.

- J'ai des choses à te dire, je m'en fou que tu aies envie de les entendre ou pas. ...J'en ai besoin.

Haruka avait finalement levé ses prunelles violette sur le visage de Toni qui le surplombait de quelque centimètre. En voyant le regard noir qu'il lui adressait il regretta son geste, mais ne broncha pas, ne lachant toujours pas sa main et ne le quittant pas des yeux.

"Je pense...que c'est assez clair comme ça non ?"
Le ton froid de Toni rendait Haruka encore plus indécis qu'il ne l'était déjà. Toni lui en voulait sans doute pour l'attente qu'il lui avait subir, et pour le comportement qu'il avait eut, à vouloir le fuir. Il avait beaucoup douté sur ce qu'il ressentait à son sujet, et il doutait encore aujourd'hui, mais plus des même choses cependant.

-Pas pour moi, non.

Le brun avait envie d'en parler à Toni, malgré tout ce qui aurait du l'en empêcher, il voulait qu'il soit conscient de ce qu'il voulait lui donner, et de ce qui allait leur arriver. Mais si Toni n'était plus dans les mêmes dispositions que lui après 21 jours d'attente, il ne pensait pas être capable de lui ouvrir son coeur si c'était pour être rejeté.

C'était donc ça qu'avait ressentit Toni devant lui? Mais lui avait trouvé le courage de ne pas lâcher prise. L'ombre se devait d'essayer , malgré tout oui. C'est au moment où il se faisait cette promesse personnelle que Toni finit par déclarer :

"Je t'écoute..."

Les coins des lèvres de l'ombre se relevèrent imperceptiblement. Il avait sa chance, sa seconde chance. Jetant rapidement un coup d'oeil sur le parking qui se remplissait, il finit par lui dire d'une voix un peu plus douce:

- Les choses que j'ai à te dire, j'aimerai ne pas avoir à te les dire sur le parking d'un supermarché, Toni.

Ses yeux n'avait toujours pas lâché celui du magnifique blond, attendant une quelquoncque réaction, un quelquoncque refus dans le pire des cas, un signe qu'il commençait à comprendre dans le meilleur. Un signe qui lui permettrait de lever ses doutes sur son état d'esprit.

Toni fini par soupirer avant de céder à sa requète. Haruka ne su pas comment interpréter ce soupir. C'était à ce point à contre-coeur qu'il acceptait de l'écouter ? La main de l'ombre lacha doucement celle du blond, comme si il craignait tout d'un coup que ce contact ne le dérange trop. Peut-être avait-il sous estimé l'aversion que pouvait avoir Toni envers lui désormais? Mais il était trop tard pour craindre sa réaction, Haru était déterminé à se confier à lui. Même si il était peut-être désormais trop tard...

"Un bar ? ça te va ?"

Le psychologue ne prit même par la peine d'en chercher un du regard comme le faisait son compagnon. Il se passa la main dans le cou en détournant le regard, faisant tout de même mine de réfléchir à la proposition avant de déclarer d'une voix posée.

- Non. J'aimerais un endroit plus intime.

Il s'imaginait mal au beau milieu d'un bar remplis de monde en train de se confier à Toni, ce n'était pas comme ça qu'il le voulait. Il ne voulait pas avoir à se soucier de la présence de témoins aux alentours, quoi que soit la réaction du séduisant relieur. Bonne ou mauvaise.

- Il n'y a que toi qui ait à entendre ce que j'ai à dire.

[Fin - suite chez Toni]